• Deuxième partie de l'entretien avec Georges Flipo, qui aborde ici le processus de publication de son premier roman. De quoi largement faire chauffer le percolateur... 

     

     

    -             J'aimerais que nous puissions aborder ton roman « Le Vertige des auteurs », qui vient de paraître aux éditions Le Castor Astral : peux-tu retracer les étapes de la publication de ce livre ? Il a, je crois, été envoyé par la Poste...

     

    Ça va être long, il faudra au moins deux cafés. Pour ceux que ça ennuie, on peut passer sans dommages à la question suivante.

    Bon, je me lance :

    Au tout début, j'ai écrit ce Vertige des auteurs... pour savoir si j'étais capable d'écrire un roman, quand j'étais encore nouvelliste chez Anne C. Il a été lu par deux lectrices différentes : l'une l'a trouvé « mortellement ennuyeux », notamment dans ses chapitres ancrés dans l'entreprise. L'autre l'a « beaucoup aimé ». Comme Anne n'aimait pas ma vision grinçante de l'entreprise, elle a arbitré en faveur de la première, tout en reconnaissant les qualités d'écriture et l'intérêt du personnage principal du Vertige. Fin de l'anecdote, mais elle montre que le sort d'un roman est très aléatoire, surtout quand il vient de l'extérieur : il n'y a alors qu'une lectrice... il faut tomber sur la bonne.

     

    Il fallait repartir à zéro, j'ai proposé le Vertige aux autres éditeurs. Mais pas en vrac. Je l'ai envoyé en deux fichiers, A et B.

     

    -             FICHIER A : J'avais sélectionné une vingtaine d'éditeurs qui me paraissaient spécialement aptes à aimer : sur ceux-là, j'agissais en deux temps.

     

                1er temps : envoi d'un courrier ou d'un mail présentant une synthèse de revue de presse de mon premier recueil (La Diablada), plus le pitch d'un second recueil ET du roman. Je leur proposais d'envoyer roman et/ou recueil s'ils se déclaraient intéressés. Le Castor Astral faisait partie de cette sélection prioritaire.

               2ème temps : s'ils ne répondaient rien, j'envoyais quand même les deux, mais quelques mois plus tard, de façon échelonnée.

     
    -             FICHIER B :  J'envoyais directement le ou les tapuscrits (avec un feuillet revue de presse) de façon très échelonnée, au fur et à mesure des refus et retours, en commençant par les plus gros éditeurs.
     

    Comme plusieurs autres du fichier A (environ 50%), Le Castor Astral m'a demandé l'envoi des deux tapuscrits. Ce que j'ai fait, par la poste. A ce stade, j'ai eu plusieurs réactions intéressées, mais aucun OK définitif. Le Castor a donné son OK plus tard (il avait égaré le tapuscrit) : j'avais déjà commencé à envoyer des tapuscrits en fichier B et en A « direct ».

     

    Voilà, c'était aussi laborieux à mener qu'à expliquer. Mais ça a marché :  OK fin 05. Et on m'a prévenu que le roman serait édité en janvier 07. Oui, 14 mois, longue attente....

     

    Très peu de corrections sur texte durant cette phase finale : un allègement de 10%, quelques remaniements de phrases trop elliptiques ou obscures, une douzaine au maximum. L'écriture du tapuscrit était déjà très finalisée, sans modestie. Rien à voir avec celui de La Diablada, j'avais compris qu'il fallait peaufiner et re-peaufiner pour avoir une chance d'être édité.

     
    - Le personnage principal de ton roman, se pique de devenir écrivain pour plaire à son patron qu'il vénère et il finit par se persuader de son avenir littéraire. C'est un personnage à la fois médiocre et pathétique qui m'a un peu fait penser à celui du Bel Ami de Maupassant. Sauf que le tien n'atteint évidemment pas son but... Envisages-tu cette histoire comme une sorte d'avertissement à l'intention des auteurs en herbe, parfois trop confiants dans leur talent ?
     

    Merci pour la comparaison avec Bel-Ami, c'est trop. Cela dit, il y a du vrai : en écrivant le roman, j'y ai souvent pensé. Le héros, Sylvain Vasseur, est un anti Bel-Ami, il rate tout avec de plus en plus d'optimisme. Il ne devient humain que lorsque sa vision de lui-même s'effondre.

    Je voulais créer un héros archétypal, bon, ça paraît prétentieux, mais quand on se lance dans un roman, mieux vaut avoir des prétentions.

    Je voulais que ce puisse être pour le lecteur-auteur, comme tu le suggères, un repère clin d'œil, une sorte de référent. Que le futur auteur puisse se dire « Attention, je fais mon Sylvain Vasseur ». Et cela peut concerner ses relations avec son conjoint, avec ses amis. Ses rapports à l'écriture, à l'échec, à la recherche de gloire illusoire. Plusieurs retours de lecteurs-auteurs montrent que l'objectif est atteint sans tomber dans la pédagogie, heureusement.

    Je voulais aussi, plus confusément, en filigrane, parler de la vanité d'écrire sur soi. Patrick L'Ecolier l'a très bien pointé dans sa critique.

    Et je voulais enfin que ce soit drôle. Parce que toute cette lamentation de l'écriture est en soi formidablement drôle : ces malheureux, dont je suis, qui s'inoculent librement le virus plumitif, rêvent d'être encore plus malades et en parlent à satiété. Mais je n'ai pas construit la trame pour que ce soit drôle. L'humour était indispensable, vu le sujet, mais il est venu en plus, par la narration faussement empathique.

     
    -             Tu as commencé ton itinéraire d'auteur par le biais des concours de nouvelles, un tout petit univers peu connu des gens qui ne le fréquentent pas. J'imagine que ton expérience personnelle a beaucoup nourri le propos de ton roman...
     
    Ce n'est pas une auto-biographie, je n'ai pas assez d'imagination pour écrire une auto-biographie. D'ailleurs, ma femme n'est pas Arlette, ouf. Mais je dois beaucoup aux concours, et cette expérience a nourri l'écriture. Celle de la recherche d'éditeurs aussi. L'anecdote de la lettre de refus « personnalisée » de Phébus est 100% authentique. La description de la remise des prix à Plesson-Châtillis est presque authentique
    Mon expérience personnelle est transposée, décalée, il y a du Dr Jekyll & Mr Hyde, disons plutôt les clowns Exito et Fracaso, j'ai voulu raconter le « moi » que j'ai craint, que j'ai fui, durant mes brèves années d'écriture. Mais je ne me fais pas d'illusions, je ne suis que le clown blanc qui se gausse d'Auguste Fracaso, et qui est finalement peut-être encore plus ridicule.
     
    -             Comment se passe la promotion de ce livre ? As-tu d'ores et déjà des retours de la presse ou des lecteurs ? Le roman bénéficie t-il d'un véritable accompagnement de la part de l'éditeur ?
     

    Aïe, aïe, tu grattes là où ça vient de faire mal : je viens d'échouer... sur la seconde marche du podium pour le Grand Prix de l'Humour noir. De très peu. Un vote de plus, et c'était sans doute le gros accélérateur dans les médias et chez les libraires, pour la carrière du roman... et pour la mienne.

    La promotion va donc continuer normalement : j'ai déjà fait quelques séances de dédicaces en librairies, le Furet du Nord à Lille m'a offert un débat-présentation. Et pour ce mois de mars, je suis invité au Salon de Bondues (à côté de Lille) et à Escales du Livre, à Bordeaux. Et à Paris.

    Retombées presse :  j'ai eu une très bonne critique (Ovations) dans le Nouvel Obs, et sur pas mal de bons sites ou blogs littéraires (liste partielle en bas). Ça m'a permis de faire connaissance avec des personnes plus que sympa.

    Si je devais comparer avec la sortie de La Diablada, chez Anne C., j'avais eu plus de critiques dans la presse, mais aucune retombée sur internet. Est-ce une question de saison de sortie ? D'intérêt de ce roman ? De force de frappe du service presse d'Anne C. ? De toute façon, ce sera le résultat final qui comptera. Les retombées spécifiquement presse ne sont peut-être que glorieuse illusion. Je crois plus aux blogs et sites littéraires.

    Les retours des lecteurs, par courriers ou par mails, comme ceux des critiques sont vraiment très stimulants : ceux qui ont ouvert le livre ont aimé.  Mais combien l'ont-ils ouvert ?

    Quoi d'autre ? J'ai apprécié la façon dont le Castor Astral m'a impliqué, avant la sortie, dans les réunions avec la force de vente de Volumen.

    Je crois que l'avenir de ce livre se jouera sur le bouche-à-oreille, sur des chroniques ou interviews comme celle-ci. Merci pour ce café.
     
    -             Tu as publié deux recueils de nouvelles, puis ce premier roman, et je crois savoir par ailleurs que tu en as déjà achevé un second... Vas-tu poursuivre en parallèle l'aventure des concours de nouvelles, ou cette page est-elle à présent définitivement tournée ?
     
    -             Comme écrivain, je me considère encore assez amateur. Mais comme concouriste, je n'ai pas honte d'être professionnel. Je pense donc continuer à participer à quelques concours bien dotés, j'en tire plus de revenus que de la publication de mes œuvres. Le hic, c'est que je n'ai plus beaucoup de stock disponible : presque toutes mes nouvelles sont grillées, ayant été publiées ou primées.

    Il va donc falloir que j'en écrive d'autres, et j'ai un peu perdu le rythme : j'ai passé mon année à écrire presque exclusivement un second roman qui est terminé. Je vais maintenant le peaufiner en tenant compte de quelques commentaires très constructifs. On me dit qu'il est meilleur que le Vertige, je n'en suis pas convaincu. Et je travaille déjà la trame d'un troisième roman, assez complexe, mais qui pourra secouer.

     
    -             Que penses-tu de ce mot du romancier Jean-Hugues Oppel qui estimait qu'écrire et publier des livres, c'est « être un tout petit peu plus vivant que les autres » ?
     

    Je ne partage pas du tout ce point de vue ; je sais que c'est très mal, mais je vois l'écriture comme une sorte de petite mort, on se retire temporairement du monde, on ne fait plus que le hanter, surtout quand on écrit un roman : le vrai monde, « les vrais gens », deviennent ceux du roman. Quand il est fini, il faut revenir à la vie, c'est indispensable, mais le réveil est douloureux : la phase de recherche d'un éditeur est pénible, la phase post-partum juste après la publication, l'est encore plus. On est pressé de re-mourir. C'est le pire moment de la vie d'un auteur. Mais il va de pair avec le plus beau : celui où des lecteurs disent ou écrivent ce qu'ils en ont pensé.

    Un auteur, pour moi, c'est un être mal enraciné qui fait des allers & retours entre la vie réelle et la vie littéraire, et qui ne voit plus où est la vraie, qui ne sait plus laquelle le nourrit pour tenir le coup dans l'autre.

     C'est horrible ce que je viens de dire, voilà ce que c'est, les interviews...

     
    Liens vers quelques critiques du « Vertige des auteurs »
     
    http://livres.nouvelobs.com/parutions/p2204/a2204_052.html
     
    http://www.evene.fr/livres/livre/georges-flipo-le-vertige-des-auteurs-25690.php?critiques
     
    http://www.lafactory.com/Livres/Domaine_francophone/Le_vertige_des_auteurs_-_Georges_Flipo_200701152587/
     
    http://perso.orange.fr/calounet/resumes_livres/flipo_resume/vertige_flipo.htm
     
    http://cuneipage.over-blog.com/article-5185255.html
     
    http://calipso.over-blog.net/article-5565319-6.html#anchorComment
     
    http://essel.over-blog.com/article-5606958-6.html
     
    http://lecturesdeturquoise.blogspirit.com/archive/2007/02/10/georges-flipo-le-vertige-des-auteurs-le-castor-astral.html
     
    http://tnncie.aceboard.fr/244406-2781-3062-0-quot-Vertige-auteurs-quot-Georges-FLIPO.htm#vb
     
    http://forum.aceboard.net/7663-1490-11557-0-Vertige-auteurs-Georges-Flipo.htm - vb
     
    http://www.alapage.com/-/Fiche/Livres/2859206957/?donnee_appel=GOOGL
     
    http://www.amazon.fr/Vertige-auteurs-Georges-Flipo/dp/2859206957

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  • Georges Flipo est un auteur issu du vivier des concours de nouvelles. Georges Flipo a publié en 2004 chez Anne Carrière un recueil de nouvelles intitulé La Diablada qui m'avait fait forte impression. Georges Flipo continue vaillamment sur sa lancée en publiant deux livres coup sur coup : un second recueil (L'Etage de Dieu) et un premier roman (Le vertige des auteurs). Georges Flipo tient un discours juste et lucide sur le milieu de l'édition. Georges Flipo se devait donc de finir accroché à mon tableau de chasse. Ce que j'ai fait, après lui avoir offert, comme à l'accoutumée, ce petit noir au coin du zinc. Il est à noter que cet entretien sera divisé en deux parties : la seconde, entièrement consacrée à la parution récente du premier roman de Georges, sera publiée dans les jours prochains.

    <?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p> </o:p>-          Tu es ce qu'on peut appeler un auteur tardif : peux-tu retracer les circonstances qui t'ont amené vers l'écriture ?
    <o:p> </o:p>

    -          Je suis un auteur plus que tardif puisque je croyais n'avoir aucune destinée littéraire (je n'ai, par exemple, jamais envisagé d'études de lettres). J'étais un matheux qui aimait les textes bien écrits. En 94, je découvre que mes enfants lisent des « livres dont vous êtes le héros ». J'en lis quelques-uns, je les trouve nuls (schéma simpliste, écriture pauvre). Pour m'amuser, j'en écris un gros, un livre de matheux au diagramme très compliqué ― ce qui m'amusait, c'était le diagramme, pas l'écriture qui n'était qu'un moyen. Pour l'anecdote, le thème était celui d'un petit collégien pensionnaire dans un collège dont les profs sont... des sorciers (5 ans avant Harry Potter ! J'en suis encore malade) Je ne l'envoie à aucun éditeur, jugeant le sujet ringard. Je découvre au passage que l'écriture m'amuse, puis je n'y pense plus. En juin 2002, accident de scooter qui va me pourrir mon été : vélo interdit ! C'est mon loisir favori. Pour m'occuper, ma fille me propose de participer à un concours de nouvelles (Espace-Icare Issy). Ça se passe bien, et je continue, peut-être plus par esprit de compétition que par passion littéraire. Ce sont ces succès, très relatifs, qui m'ont amené à l'écriture. Tu trouveras difficilement des auteurs qui ont eu moins de vocation que moi. 

    <o:p> </o:p>

    -          Comment s'est passée la publication de La Diablada, ton premier recueil de nouvelles ?

     

    -          Au cours de mes six premiers mois d'écriture, j'ai croisé dans les remises de prix quelques jurés (dont Serge Brussolo et Henri Vernes) qui m'ont incité à me faire publier. Je croyais à l'époque que c'était facile. J'ai préparé un recueil qui n'était ni fait ni à faire, je l'ai envoyé aux éditeurs parisiens... et Anne Carrière m'a dit oui, en me prévenant qu'il y aurait du travail de ré-écriture et de re-composition du recueil (elle n'aimait pas mes nouvelles méchantes parlant de l'entreprise). En phase pré-publication, j'ai beaucoup appris avec Anne et son équipe, j'ai découvert le grand écart qu'il y a entre un texte couronné par un jury de concours et un texte « littéraire » acceptable par un éditeur. Le niveau de finition demandé est très supérieur. J'ai appris à me relire, ce que ne font pas assez les concouristes, même bons. La publication s'est bien passée, bonne critique (Nouvel Obs, Le Monde, Marie-Claire, Marie-France, PPDA, etc.), plusieurs cous de cœur Fnac, mais les ventes n'ont pas dépassé la barre des 1.000 ex. Il paraît que ce n'est pas mal. J'attendais beaucoup mieux.

    <o:p> </o:p>-          Mais on clame partout que la nouvelle ne se vend pas et quelque chose me dit qu'Anne Carrière le sait : y aurait-il donc encore des éditeurs qui publient ce qu'ils aiment, avant toute considération commerciale ?
    <o:p> </o:p>

    -          Anne le sait maintenant. Le phénomène Gavalda était là : Anne se posait des questions et était prête à tenter une expérience « nouvelles ». J'ai émergé du sac postal et Anne m'a donné ma chance, car elle aimait bien la moitié de mes nouvelles. Il y a des éditeurs qui publient ce qu'ils aiment, en finançant ces amours par de l'édition pré-vendue. L'autobiographie de Lilian Thuram, publiée chez Anne au même moment, a probablement permis la sortie de La Diablada. Il y a aussi des éditeurs qui ont une stratégie extensive : la fabrication d'un livre coûte moins cher qu'avant, ils peuvent donc beaucoup semer (notamment ce qu'ils aiment) et regarder ce qui pousse. L'édition est devenue un immense marché-test. Je crois qu'aucun éditeur ne s'affranchit de considérations commerciales : les plus idéalistes ne cherchent pas à publier ce qui marchera sûrement, mais ne publient que les livres qu'ils aiment, en espérant leur trouver un public. Les plus cyniques aiment directement le public et essaient de lui trouver des livres que celui-ci aimera. Certains éditeurs sont à la fois cyniques et idéalistes.

    <o:p> </o:p>-          Tu fais paraître prochainement deux livres : l'existence de La Diablada a-t-elle facilité la publication des suivants ?
    <o:p> </o:p>

    -          Non, et ce fut une sale surprise. Première mauvaise surprise, je croyais être... disons attendu chez un grand éditeur qui avait bien aimé La Diablada. Ça ne donne rien après plusieurs mois d'attente. J'essaie ensuite une stratégie plus sélective : j'envoie à une quinzaine d'éditeurs un courrier me présentant (Diablada comprise), résumant mes deux manuscrits (un roman et un recueil) et leur proposant un envoi. Des bonnes remontées (uniquement sur le roman) du temps perdu, quelques commentaires sympa, rien à l'arrivée. Je reviens alors à la bonne vieille méthode de l'envoi sélectif par La Poste. Et le Castor Astral m'appelle.

    <o:p> </o:p>-          Penses-tu que les nouveaux réseaux de communication, l'internet, la toile des blogs, constituent une opportunité – comme une sorte de bouche à oreille virtuel – pour faire exister des livres comme les tiens, publiés chez de petits éditeurs et peu exposés médiatiquement ?
    <o:p> </o:p>

    -          J'ai du mal à répondre. D'abord, je ne considère pas le Castor Astral comme un petit éditeur : ses bouquins sont bien distribués (Volumen) et bien exposés, dans les Fnac, par exemple. Ensuite parce que la bonne exposition médiatique n'est pas gage de succès : j'ai eu, je crois, une bonne critique avec La Diablada  mais les résultats n'ont pas suivi. Alors, l'exposition dans les nouveaux réseaux ? Je ne sais pas ce qu'elle vaut, je les connais mal. Je suis vraiment à l'écoute de suggestions. On m'a conseillé de créer un site, je viens de le pondre : http://www.georges-flipo-auteur.com Mais concrètement, que dois-je en faire ? C'est là que je vois que je ne suis pas très pro comme écrivain. Je me sens encore Candide, presque imposteur. Qui peut m'aider, me conseiller ?

    <o:p> </o:p>-          Un Candide qui se débrouille plutôt bien... cela dit, tes trois livres sont édités par des maisons différentes. La finalité d'une démarche d'auteur n'est-elle pas de réussir à installer une relation de confiance, inscrite dans la durée, avec le même éditeur ?
    <o:p> </o:p>

    -          Oui, entièrement d'accord. Je souhaite être fidèle à mon éditeur, mais je veux aussi être fidèle à ce que j'aime écrire. Avec le Castor Astral, ça paraît bien parti, on verra ce que donnera ce premier roman, Le vertige des auteurs. La publication de mon second recueil, l'Étage de Dieu, par le Furet du Nord est un délicieux hasard dont le Castor est aussi heureux que moi.

    <o:p> </o:p>-          Je suis d'une nature généreuse : que puis-je te souhaiter pour l'avenir ?
    <o:p> </o:p>-          Merci pour cette générosité et pour ce café. Souhaite-moi d'avoir le courage de mettre plus haut la barre. De ne pas tomber dans la facilité, même si ça marche. D'écrire moins, mais mieux.
     

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  • Je me réjouis de pouvoir proposer cette interview avec Armand Cabasson. Tout d'abord parce que l'homme est un ami. Ensuite, parce que son parcours exemplaire a tout pour réconcilier les aigris de l'écriture avec le monde impitoyable de l'édition. Il sera toujours temps d'aborder plus tard des expériences plus complexes... Echange décontracté, donc, comme devant un petit noir, au coin du zinc...

     

    Peux-tu raconter un peu tes débuts en matière de littérature ? Je sais que tu t'es beaucoup investi dans l'écriture de nouvelles et l'univers des revues, des concours... Tu as eu une vie littéraire assez active avant même de publier ton premier roman...

     

    Mes débuts ont été chaotiques en ce sens que je m'éparpillais dans toutes les directions : romans, nouvelles, scénarios de BD (j'allais au Salon d'Angoulême pour y rencontrer des dessinateurs), scénarios de courts-métrages, livres pour enfants (avec un ami dessinateur)... Presque toutes les formes d'écrits m'intéressaient. Puis, petit à petit, j'ai commencé à voir que je me sentais bien plus à l'aise dans les univers du roman et de la nouvelle. Mais je pense que mes tentatives avortées (en particulier dans le domaine des scénarios de BD) m'ont enrichi, m'ont enseigné des choses qui me servent aujourd'hui dans l'écriture des romans et des nouvelles. Par exemple : il faut avoir passé trois heures sur une planche de BD à concentrer, encore et encore, les dialogues (qui submergent les dessins...) pour s'imprégner du concept bien connu des scénaristes de « moins et mieux »... 

     

     

    Dans quelles circonstances as-tu été amené à publier Un monde hostile, ton premier polar ?

     

    Le plus classiquement du monde : j'ai écrit ce roman avec plaisir, avec passion. Puis je l'ai posté à une dizaine d'éditeurs. Et il y a eu un oui !

     

    Ton éditeur était une structure de dimension très modeste, et de fait, il n'a guère tardé à mettre la clé sous la porte : dans quel état d'esprit se trouve t-on lorsque son premier livre ne bénéficie pas forcément du soutien que l'on pouvait imaginer ?

     

    Ah... Tu ravives de vieux souvenirs parfois amers... Disons que coexistaient en moi la joie d'être publié et la déception de voir que mon livre n'était quasiment nulle part (pratiquement aucune librairie ne l'avait ; par contre on pouvait le commander). C'est à partir de ce moment que j'ai commencé à découvrir les rouages complexes du monde de l'édition, de la diffusion, de la distribution, des librairies, de la presse... Pour un auteur, tout n'est pas terminé quand le livre est publié, il faut s'attendre à se heurter à de nouveaux problèmes... Mais, néanmoins, je garde un bon souvenir de cette aventure, même si elle s'est terminée par un naufrage.

     

    Peux-tu revenir sur les circonstances qui t'ont conduit à faire partie aujourd'hui de la prestigieuse collection Grands détectives des éditions 10/18 ?

     

    Eh bien, là encore, il n'y a pas de révélation. J'ai posté le manuscrit du 2e roman de cette série, « Chasse au loup », à 10/18. (Le premier roman, « Les proies de l'officier », avait été publié en grand format chez NiL Editions, mais NiL Editions a interrompu la publication de la série, à la suite d'un changement de ligne éditoriale). Puis, un mois plus tard, un samedi soir, vers 21H30, le téléphone a sonné. C'était Jean-Claude Zylberstein ! Nous avons longuement discuté. Il a accepté le manuscrit, acquis les droits poche de « Les proies de l'officier » et les 2 romans sont parus simultanément en mars 2005, chez 10/18.
     
    Faire vivre des personnages récurrents à travers une série de romans est sans doute épanouissant par bien des aspects, mais ne peut-il pas y avoir aussi une certaine « automatisation » de l'écriture ?

     

    Il faut à tout prix éviter l'automatisation ! Dans une série, avant de débuter chaque nouveau livre, il faut s'interroger sur les moyens d'éviter la routine, les redites... Quels sont les thèmes que l'on n'a pas encore abordés et auxquels on tient ? Quelle va être l'intrigue ? Comment ont évolué les personnages de la série depuis le roman précédent ? En réalité, ce danger de se répéter, de ne pas se renouveler existe à chaque fois que l'on s'apprête à écrire, même en-dehors du cadre d'une série... C'est un problème qui interroge chaque auteur. Se répéter, quelque part, c'est « tuer son écrit ». 

     

    Ton profil – concouriste publiant en revues confidentielles devenu auteur professionnel – est de nature à susciter l'espoir chez bon nombre d'amateurs, souvent désarmés face aux réalités de l'édition. Quels conseils pourrais-tu leur donner ?

     

    Je n'aime pas donner des conseils. D'abord, ce serait arrogant. Ensuite, il faut absolument éviter les « conseils » qui aboutiraient à définir une démarche standardisée ! Pas de pensée unique ! C'est la diversité des vécus, des parcours, des motivations qui permet la diversité des écrits. Donc, moi, je suis passé par l'univers de la nouvelle (et je continue à en écrire), j'ai beaucoup voyagé et mon métier de psychiatre enrichit mon univers littéraire. Mais il existe tellement d'autres voies : le journalisme, écrire des critiques littéraires, la BD, le cinéma, les courts-métrages, le théâtre, toute expérience de vie, la littérature expérimentale... Quand aux réalités de l'édition, on les découvre petit à petit, au fil de son parcours. On peut aussi lire des articles à ce sujet dans diverses revues littéraires.

     

    Tu viens de publier La mémoire des flammes chez 10/18. Quels sont tes projets littéraires pour l'avenir ?

     

    Je continue à écrire des nouvelles (même si, malheureusement, il est extrêmement difficile d'arriver à ce qu'elles soient publiées...), je songe au quatrième roman de ma série historique et policière et je réfléchis également à un projet de roman contemporain (qui serait peut-être hors genre, donc de littérature générale). Mais tout cela va s'étendre sur plus d'une année, bien sûr... Merci pour tes questions !

     

     Merci pour tes réponses...
     

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  • Nicole Laugel est un écrivain de l'ombre : elle met son talent pour l'écriture au service des autres, ceux dont l'expérience de vie ne se double pas forcément d'une expérience de plume. Vivre de ses écrits en produisant pour les autres, concilier travaux alimentaires et écriture personnelle, se frotter aux réalités parfois pénibles de l'édition... tels sont tous les aspects de l'écriture que j'ai voulu aborder avec Nicole Laugel, un peu comme au coin du zinc, devant un bon petit noir...

     

    - Vous êtes biographe : en quoi consiste exactement votre travail ?

     

    - Ce terme de biographe regroupe des travaux d'écriture dans un sens large. Pour resserrer, je dirais que j'écris pour les autres. Biographies ou mémoires, récits, confessions, romans, toutes sortes d'histoires. Ma base de travail peut-être constituée de conversations avec le « commanditaire » que j'enregistre, de recherches que je réalise moi-même à la demande, de notes griffonnées dans un cahier que l'on me confie ou parfois de textes écrits en style télégraphique et même en phonétique. Il m'arrive aussi d'améliorer un récit, de le rendre plus fluide avant édition... 40 % environ de mon temps  est consacré à l'écriture. Le reste du temps passe dans les tâches que requiert une petite entreprise : recherche de clients, paperasseries, discussions et interviews, recherches, et surtout corrections et longues relectures répétitives (5 ou 6 au moins pour chaque manuscrit livré).

     

    - Vous travaillez beaucoup, je crois, avec des personnes assez âgées désireuses de raconter leur histoire à travers un livre : quelles sont les attentes de ces personnes ?

     

    - Bien sûr, les personnes âgées sont mues par un fort désir de transmettre leur histoire, les origines de leurs aïeux quel que soit, je le précise, le milieu social dont elles sont issues, affirmer leurs valeurs, parler de la vie qui a beaucoup changé, ne pas laisser un métier se perdre. Leur attente est peut-être bien de retenir un peu le temps qui s'enfuit. Et puis le livre constitue un relais avec leurs descendants qui sont de plus en plus demandeurs. Mais les personnes âgées (au fait, ça commence à quel âge aujourd'hui ?) ne sont pas les seules à vouloir livrer leur vie à leurs proches...

     

    - Est-il facile d'adapter sa plume à l'univers d'un autre, de répondre à ses attentes ?

     

    - Non, pas toujours. Il faut pour cela une qualité qui est aussi un défaut : être gentille et bon public. Et je le suis... J'aime qu'on me raconte sa vie. Ce que je préfère bien sûr, c'est que le commanditaire d'un livre me laisse carte blanche. Mais quand ce n'est pas le cas, je comprends vite qu'il me faut utiliser certains mots, faire des phrases courtes ou plutôt longues, ou qu'il ne me sera pas permis de sortir du cadre strict des faits rapportés. Rester dans ce cadre est un bon exercice (normal, je suis gentille...)

     

    - Les personnes auxquelles vous prêtez votre plume choisissent bien souvent la voie de l'édition alternative : compte d'auteur ou auto-édition. Je reste, vous le savez, assez dubitatif devant ces modes d'édition, notamment pour ce qui concerne la diffusion... Quelle est votre position personnelle sur ces pratiques ?

     

    - Je ne suis pas dubitative sur la question. Se raconter dans un livre que l'on a fait éditer à 300 exemplaires par un éditeur qui fait du travail sérieux et de qualité serait une mauvaise « pratique » ?  Aux yeux de qui et pourquoi ? La diffusion est de 150 à 200 auprès de la famille et des amis et d'environ 3 ou  10 en librairie. Parfois plus, parfois moins. Ces auteurs ne courent pas après le grand public, ne cherchent ni la gloire ni le Goncourt... Voilà pour ce que je connais. Et ceux qui ont fait appel à une plume pour réaliser le travail ont le souci de ne pas (excusez du peu) livrer un texte de mauvaise qualité. Mais je sais qu'il existe d'autres « pratiques ». Dans ce cas, le problème est que l'auteur est aveuglé par le désir de voir son nom imprimé sur la couverture d'un livre. Et ça, ça n'a pas de prix... Pourtant le prix se révèle parfois ruineux.

     

    - Vous écrivez également sous votre propre nom et vous avez publié des romans, je pense notamment à 4 ares 45 de bonheur. S'agit-il d'un itinéraire parallèle, ou voyez-vous une réelle correspondance entre vos travaux pour les autres et vos livres plus personnels ?

     

    - Le roman que vous citez est mon premier. Les passerelles entre mes deux plumes ne sont pas simples à mettre en place. Je dirais que la plus personnelle des deux est souvent reléguée à la main gauche (je suis droitière, vous l'aurez deviné...) La correspondance entre les deux réside essentiellement dans le bonheur d'écrire à longueur d'année. Une vie rêvée. Mais cette graphomanie est à double tranchant. Pour vivre, compris au sens manger et payer ses factures, il faut beaucoup écrire, mais pour les autres... Et si je ne m'en plains pas, je pense que c'est un empêchement pour le roman. Cela dit, récemment, en parlant avec un écrivain également traductrice, je me disais que c'est peut-être une façon de ne pas trop mouiller sa chemise. Ecrire les histoires des autres est peut-être un excès de pudeur.

     

    - L'existence d'un auteur publié par de petits éditeurs n'est pas toujours très simple : quelles réflexions vous inspire votre expérience dans l'édition ?

     

    - Mes réflexions sur le sujet tiendraient dans un... livre. Je croyais être éditée parce que le mien était bon. Naïve et prétentieuse, je suis très vite tombée de mon nuage, aspirée par la sphère économique. Pour faire court, je me suis pliée à ce qu'on m'a demandé, puisque c'était au nom du dieu marketing. Le titre a changé, des passages entiers ont été coupés, des mots changés à mon insu, l'imparfait du subjonctif supprimé. J'ai serré les dents. C'était un mal nécessaire. Finalement, le livre est paru, presque à l'insu de mon plein gré, avec 6 mois d'avance sur la date prévue, une sortie prématurée dont j'ai eu connaissance quelques jours après l'arrivée des livres dans le stock de la maison d'édition. Ce n'était pas ainsi que je m'étais imaginé l'avènement de mon premier ouvrage personnel. J'étais déjà bien sonnée, quand on m'a suggéré de calmer mes espoirs de succès, ce que je fis en constatant que l'envoi massif du livre à la presse n'était pas au programme du dieu marketing. Inutile, les journalistes et les critiques n'ont pas le temps de lire... m'a-t-on expliqué. Dépitée, je me suis quand même assise derrière une table, dans un salon du livre ou chez « mon » libraire amical et sincère pour signer d'une dédicace fébrile quelques rares exemplaires. Un peu moins de deux ans après sa parution, allez comprendre... les ventes de 4 ares 45 de bonheur se révélaient carrément médiocres, et je fus encouragée, par courrier, à racheter le stock de livres restants (1 000 environ). Faute de quoi il passerait au pilon... Je l'ai laissé partir au pilon. C'est cruel. Car au-delà des chiffres de ventes, j'ai vécu comme un choc l'absence de concertation et de discussion avant publication. Pour tout dire, le manque de témoignages « d'amour » ou devrais-je plus raisonnablement dire d'adhésion ou de respect de la part de l'éditeur envers mon travail m'a été d'une grande frustration.

     

    - Quels sont vos projets, en matière d'écriture ?

    - En matière de roman, me remettre de ce qui précède en m'y remettant... car cette première parution a laissé des traces et posé bien des questions. J'avais en boîte les esquisses de deux autres romans, et m'estimant remise de mes déconvenues, je travaille sur l'un d'eux. J'espérais l'achever en cette fin d'année, ce que je m'étais déjà promis l'année dernière à la même époque... En ce qui concerne l'écriture professionnelle, savez-vous pourquoi c'est Amerigo Vespucci qui a donné son nom à l'Amérique et non Christophe Colomb qui en était le découvreur ? Parce que Vespucci s'est fait connaître avant Colomb, en publiant sa biographie... Mes projets sont de faire parler de mon métier dont trop peu de gens connaissent l'existence...

     

     

     

     


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  • Gérard Levoyer multiplie les casquettes et jongle avec les activités: auteur de théâtre (près de 30 pièces au compteur), de textes pour la radio (des dizaines de dramatiques, enregistrées par des comédiens tels que Claude Piéplu ou Julien Guiomar), nouvelliste, metteur en scène, comédien... et animateur du concours Nouvelle au pluriel, qui a fait pendant onze ans le bonheur de centaines d'auteurs en herbe ou confirmés. J'ai d'ailleurs fait connaissance avec Gérard à une remise des prix de son concours, dont je suis par la suite devenu l'un des lecteurs. J'ai aussi eu l'occasion de l'inviter à Strasbourg pour une soirée de lecture publique de quelques-unes de ses nouvelles, organisée par mes soins. Il m'a donc semblé naturel de lui consacrer un peu d'espace sur ce blog, pour un petit échange convivial, comme au coin du zinc, devant un petit noir...
     

    -Je crois savoir que ton parcours d'auteur a démarré tardivement, après plusieurs autres « existences » professionnelles : peux-tu retracer l'itinéraire qui t'a conduit à l'écriture et au théâtre ?
     

    -  Oui avant de vivre oiseusement de ma plume, comme on dit parfois dans les mauvaises nouvelles, j'ai engrangé quelques annuités dans différents secteurs, afin de ne pas mourir de faim quand la bise de la retraite sera venue. J'ai donc été tour à tour : chercheur d'or dans la Touques (rivière qui se jette dans la Manche à Trouvilles sur mer), coureur du Tour de France en billes sur les plages du même lieu, chasseur d'autographes, resquilleur de galas, chapardeur de fétiches, concouriste de chant, ramasseur de billets de banques perdus et cent autres petites occupations de jeunesse qui m'ont conduit à remplir les casiers d'une supérette, premier vrai job d'été qui précéda de peu la peinture en bâtiment et le monitorat dans un C.A.T, ces deux derniers emplois occupant la très large place de mes quarante premières années. Mais si ces métiers se situent avant mon activité d'auteur, je ne pense pas qu'elles y aient mené. L'écrit a toujours été mon truc. Dès l'école je ne vivais que pour le cours de français et mes meilleures notes étaient obtenues en « rédac ». J'ai bien sûr commencé par écrire des poèmes, puis des chansons que nous chantions en chœur sur les scènes Trouvillaises et, comme j'ai rencontré le théâtre à 17 ans (c'est-à-dire 3 ans après le travail), je me suis mis à imaginer de courtes pièces dont j'échafaudais la trame sur le haut de mes échelles de peintre et que je me dépêchais d'écrire sur des cahiers à la pause « 4 heures ».
     

    - Dramaturge, auteur pour la radio et pour la télévision, nouvelliste mais aussi comédien et metteur en scène... toutes ces cordes à ton arc te semblent-elles complémentaires ou prouvent-elles simplement que tu aimes papillonner ?
     

    - Les deux. Je m'ennuie très vite. J'aime écrire vite et passer vite à autre chose. Trois « vite » en une ligne ce n'est pas un hasard c'est un constat. Les choses ne vont jamais assez vite pour moi. Je suis une sorte de puce qui saute à gauche à droite, sur tout ce qui passe à sa portée. Ce qui m'amène à travailler sur plusieurs projets à la fois. Je ne suis pas toujours très heureux de cet état, ayant le sentiment latent de ne pas aller au fond des choses, de les survoler, mais c'est aussi la demande qui fait cela. Et cette exigence que j'ai de vouloir répondre « présent » à tout appel même s'il n'est pas « au secours ». L'organisation de Nouvelle au Pluriel m'oblige aussi à découper mes journées en tranches. Bref oui j'aime papillonner. Et quand je suis comédien l'écriture me manque. Et l'inverse est valable itou. Mais ce qu'il y a, avant tout, avant ce besoin de mener mille choses de front, il y a l'envie de me lancer des défis, de voir si je suis capable de... Toutes les disciplines de l'écriture demandent des techniques différentes, un savoir faire différent, un mode de réflexion différent. Ecrire un sketch est très difficile pour qui ne l'a jamais fait, un bon sketch s'entend. C'est-à-dire un texte de 5 minutes, monologue ou dialogue, dont une réplique sur deux doit surprendre et amener le rire. Idem pour un texte radio où certains proposent parfois des scénarii qui ne sont que des pièces de théâtre. Quelle bêtise de passer à côté de ce qui fait l'originalité de la radio, à savoir l'absence d'image ! La suggestion ! Suggérer est une arme formidable, couper au bon endroit aussi, se servir du bruitage, de l'action, de l'intonation. La radio peut s'écouter dans le noir, alors elle vous habite, vous envahit, vous entraîne, et l'auteur peut emmener l'auditeur aveugle où il veut par la simple force de ses mots ... excusez-moi, j'ai l'impression de faire un cours. Evidemment, si personne ne me coupe la parole, moi, je peux bavarder sans fin. 
     

     - Alors coupons : j'ai le sentiment que tes pièces – tu en as écrit plus d'une vingtaine – sont très régulièrement montées par de petites compagnies. En tant qu'auteur et metteur en scène, quel regard portes-tu sur ces adaptations ? 
     

     - 29 exactement ! J'en suis pas peu fier. La dernière s'appelle « Les enfants de la cigogne » un texte pour jeune public sur le thème de l'adoption. Terminée il y a tout juste un mois, pas encore éditée, elle est donc vierge. En ce qui concerne les 28 autres, elles ont effectivement la chance – à part deux ou trois – d'être toutes jouées, plus ou moins régulièrement, par des troupes amateurs, de Aubignas à Pompignac, de Marennes à St Bonnay de Cray, sans oublier la Belgique, la Suisse, le Québec et - plus surprenant - l'Iran et Djibouti. C'est, bien sûr, une énorme satisfaction pour moi. Et il m'arrive très souvent d'aller rencontrer ces compagnies, d'assister à une représentation de ma pièce et de discuter avec toute la troupe. Ces visites sont toujours vécues par les comédiens comme un événement à la fois heureux et terrorisant. « Un auteur vient nous voir !!! Est-ce qu'on va être à la hauteur ? » Nous devons certainement apparaître comme des monstres intouchables vivant éternellement enfermés dans une tour de château. De ce fait, quand on en libère un, il faut s'attendre à tout. On ne me jette pas de cacahuètes mais on m'offre des verres à boire, histoire de m'amadouer. Dans l'ensemble je suis plutôt aimable et je remercie tout le monde, je trouve les mots pour faire plaisir. Ils sont la plupart du temps spontanés et sincères mais j'avoue qu'il m'est arrivé de me forcer un petit peu suite à une représentation qui ne mettait pas vraiment ma pièce en valeur, voir même qui pouvait lui porter préjudice. L'enfer est parfois pavé de bonnes intentions ! 
     

      -   Te considères tu davantage comme un comédien qui écrit, ou comme un auteur qui joue la comédie ? 
     

     -   Je ne me considère pas du tout. Je ne m'envisage pas plus. Et surtout je ne me définis pas. Je n'en sais rien. J'ai d'ailleurs beaucoup de mal à répondre quand, sur un questionnaire, on me demande ma profession. Je ne tranche pas, je marque : auteur/comédien. Les deux sont indissociables, imbriqués, réversibles et complémentaires. Coupez-en un, il ne vous restera que Gé Lev ou que Rard Oyer. Ce qui est franchement moche, reconnaissons-le. 
     

     - D'un point de vue très personnel, je suis assez agacé par les auteurs qui répugnent à pratiquer certaines formes d'écriture alimentaire (sur le mode « très peu pour moi, je ne mange pas de ce pain-là... »). Je sais que tu as écrit des textes pour la télévision, des nouvelles pour l'hebdomadaire Nous Deux... Comment considères-tu ce type d'exercices assez éloignés du reste de ton œuvre ? Comme un challenge, ou simplement comme une façon de mettre du beurre dans les épinards ?
     

     - J'aime relever des défis. Ecrire pour Nous Deux en était un vrai car on dit toujours en lisant une certaine littérature : c'est facile. Hé bien pas du tout ! Comme je traversais une période difficile pécuniairement, j'ai trouvé cette solution pour ajouter du beurre, comme tu dis. Mais ce ne fut pas aisé car ces nouvelles sont tout d'abord calibrées très précisément et surtout il y a une charte bien précise avec des mots à ne pas employer (braguette par exemple, beurk, pas beau, interdit), des codes, des expressions porteuses, des ellipses à éviter. J'ai pris beaucoup de plaisir à écrire pour eux, en dépit de la vingtaine de textes qu'on m'a refusée (hé oui, quand même, j'avais du mal à entrer dans le moule) car ça m'a permis d'écrire dans des directions différentes, des histoires dont je ne rougis pas, que je n'aurais jamais abordées de moi-même et non dénuées d'intérêt. Car même si Nous Deux propose du sentimental il ne dédaigne pas la qualité. J'ai également dit qu'écrire un sketch n'était pas si évident que cela, surtout quand on a envie d'être joué par les plus connus des amuseurs. Ce sont des gens très courtisés, qui lisent des tonnes de sketches, s'ils vous choisissent c'est vraiment que vous avez fourni du bon travail et il n'y a pas de satisfaction plus importante que la reconnaissance du travail bien fait, dans quelque domaine que ce soit. Il n'y a pas d'écriture vulgaire et d'écriture noble. L'important c'est d'être honnête avec ce que l'on fait. Et de le faire bien. Dans le genre alimentaire j'ai aussi écrit du texte pour des présentateurs télé, à savoir Debanne et Montiel dans Vidéo Gag, car il faut savoir que ce qu'ils disent ce sont des auteurs qui l'ont écrit et s'ils font de l'humour c'est l'humour d'un autre. C'était épuisant d'écrire ce genre de trucs, nous étions une équipe de 5 auteurs à nous réunir, à délirer, inventer des trucs, peaufiner des jeux de mots et le jour de l'enregistrement, dans la panique et l'excitation, comme les textes n'étaient pas appris, il ne restait plus rien, que des bribes, des approximations, un cadavre d'humour. C'est alors qu'on se met à penser très fort au chèque qui va venir effacer la déception. 
     

     - Peux-tu dire quelques mots du concours Nouvelle au Pluriel, que tu animes depuis plus de dix ans ?
     

     - Comme un auteur de polar qui en a marre de son héros et qui le tue, cette année j'achève le concours. A part que moi j'en ai pas vraiment marre. Ce sont les circonstances qui viennent mettre un terme à onze années de belle existence. L'association arrête ses activités pour cause de départ en retraite du président, personne pour lui succéder et donc le concours s'arrête. En même temps c'est une bonne chose car la formule est exigeante et lourde à gérer. Elle repose beaucoup sur la participation bénévole à tous les niveaux. Et ça, ça s'épuise vite. Je le sens chaque année quand je prends mon téléphone pour rassembler mes lecteurs. J'en perds toujours une dizaine qu'il faut que je remplace. Et ça ne se trouve pas facilement un bon lecteur. Et puis il y a la grosse partie qui constitue l'originalité de notre remise des Prix, c'est-à-dire la théâtralisation. Ce sont des troupes amateurs qui s'y collent, c'est pour elles un travail supplémentaire à accomplir uniquement pour la gloire. Alors quand il n'y a pas le compte c'est encore moi qui prend en charge le déficit et qui réalise une théâtralisation. Bizarrement, là où j'ai le moins de mal c'est pour constituer mon jury de personnalités, je trouve toujours des comédiens aimables qui sont intéressés par  cette entreprise originale et qui sont partants pour lire les dix nouvelles sélectionnées, pour venir en débattre et souvent de façon passionnée. Et sur la dizaine il s'en trouve toujours trois pour accepter un travail bénévole supplémentaire, à savoir venir en studio enregistrer les textes lauréats. Cette année Pierre Santini, Bernard-Pierre Donnadieu et Philippe Magnand, rien que ça. Je suis vraiment très content. Alors voilà, après un thème choisi exprès pour l'enterrement, « Pour solde de tous comptes », Nouvelle au Pluriel fera son dernier salut et rejoindra au cimetière des éléphants tous ces beaux concours qui meurent, hélas, chaque année. Mais il n'y a rien de plus vivace qu'un concours. Ca peut ressurgir de n'importe où. Celui là ou son petit frère. Et je me connais, si je vois un bourgeon apparaître, je suis bien capable de l'arroser pour le faire pousser et lui donner une belle dimension. Oui je sais, on n'arrose pas un bourgeon, c'est la limite de la métaphore. 
     

     -Pour finir, quels sont tes projets en matière d'écriture ?

     - Euh... pas grand-chose. Ce qui veut dire beaucoup de possibilités. Pour être honnête, il me reste quand même une commande ferme et un espoir de commande. La commande ferme concerne France-Inter qui m'a commandé une dramatique policière, vingt minutes à livrer quand je veux. Hier j'ai terminé une autre commande radiophonique concernant une émission historique, un truc sur la révolte des canuts de Lyon en 1831. Passionnant à faire. Et l'espoir de commande concerne une pièce de théâtre à écrire pour une compagnie professionnelle de Rochefort, pour laquelle j'ai déjà écrit deux pièces, et qui prépare une évocation sur l'évolution des femmes dans la société, mais le concept n'est pas encore défini alors je ne peux pas en dire plus. Cette année, j'ai une pièce qui cartonne et qui s'appelle « La princesse et le plombier », c'est un spectacle pour jeune public mais où les parents se bidonnent aussi, un truc un peu fou, écrit à la manière des cartoons, et qui délivre un petit message qui me semble tout de même important, à savoir qu'un plombier est plus important, dans un château en ruines, qu'un prince charmant. Et qu'il ne faut pas juger les gens sur leur condition sociale. Une petite graine de morale qui n'en a pas l'air mais qui peut germer dans le ciboulot des mômes (et là c'est aux parents de l'arroser). La compagnie compte la reprendre pendant six mois au Guichet Montparnasse et ils voudraient bien une seconde pièce pour jouer en alternance, alors bien sûr j'ai proposé « Les enfants de la cigogne » mais si elle ne convient pas il faudra peut-être que j'en écrive une autre. Et puis enfin, si jamais je n'avais aucune commande, rien, plus d‘objectif précis, que le monde entier oublie que j'existe et me laisse croupir dans ma Queue en Brie humide et glauque, je me dis que ce serait peut-être l'occasion d'écrire enfin mon chef d'œuvre. Le truc qui marque. La super pièce ou le super roman. Le machin qui ferait que ma mère arrêterait de dire « oui t'écris mais t'es pas écrivain ? ». Le pavé qui amènerait mon nom en gros sur une affiche. Le meilleur polar de l'année préfacé par Bénacquista. Le bouquin incontournable qui vous ferait dire « je le connais, lui ». Et qui ferait que je ne répondrais même pas à cette interview parce que plus le temps, grosse tête, attachée de presse, agenda, rdv, vite, vite, vite, PPDA, taxi, avion, hôtels, bisou-bisou, conférence, champagne, caviar, ski à Courchevel...
    Le truc qui ferait de moi un gros con...
    C'est bizarre, j'ai l'impression que je ne vais pas avoir le temps de l'écrire, ce truc !


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